DUNKERQUE

A l’occasion des nuits de la lecture, Etréchy Ensemble et Solidaires souhaite partager avec vous un joli texte d’une de nos adhérentes qui évoque le carnaval de Dunkerque, grand rassemblement festif qui aurait dû se dérouler cette année au début du mois de Février, mais qui, une nouvelle fois, est annulé pour cause de restrictions sanitaires.

Ça va.
Ça vient.
On avance de deux pas.
On recule d’autant.
La foule se presse.
On se bouscule.
Les carnavaleux ont le verbe haut.
Les chants sont discordants.
C’est une avalanche de couleurs.
Une cacophonie assourdissante.
Une marée humaine chatoyante, vive et folle.
Les hommes maquillés à outrance, la lippe gourmande aboient plus qu’ils ne reprennent les refrains.
Les femmes ne sont pas en reste !
C’est une mer agitée qui se gonfle, enfle à en donner la nausée, qui envahit la place.
En retrait bien à l’abri sous une porte cochère, du moins je le crois, je regarde ce déchainement de grimaces hilares.
Soudain une main énorme aux ongles carmin me saisit, et me voilà entrainée à mon tour. Je suis prise et je suis secouée comme la lessive dans le tambour d’une machine à laver au plus fort d’un cycle à 1200 tours minute.
Je ne suis plus qu’une caricature de moi-même. J’étouffe coincée entre deux montagnes de muscles en sueur des odeurs de bières et de hareng m’étourdissent.
Tant bien que mal je m’extirpe de cette cohue, je me fais l’effet d’une bernique accrochée à son rocher.
Je suis mouillée trempée, rouge, échevelée mes joues sont colorées de fards gras laissés par les embrassades monstrueuses de ces géants grotesques qui déambulent en beuglant.
J’aspire goulûment un air vicié. Je suis sauve, mais peut être pas pour longtemps. Vite je cherche refuge sous un autre porche. Que n’ai-je écouté mon instinct qui me disait de rester chez moi, moi qui n’aime pas la foule ! Je suis servie. La panique m’envahit.  Je me laisse glisser  à terre, recroquevillée en boule appuyée à la porte je bascule en arrière quand une mamie sort de chez elle et me prend en pitié.
Accueillie, réchauffée à coup de petits beurres et café je reprends des forces. Maintenant il va falloir rentrer chez moi.  La petite vieille est bien gentille mais je ne peux m’incruster  plus que de raison.
Comment vais-je me sortir de ce mauvais pas ?
J’entends les cris, la musique et les chants qui s’éloignent enfin, et prend congé. J’entrouvre la porte et me glisse aussi silencieuse qu’une souris dans la rue désertée.
Je ne suis qu’à une rue de mon domicile mais il me faut encore crapahuter  entre des petits groupes de retardataires goguenards et avinés. Je louvoie, contourne, enjambe les vestiges de la fête du jour, secoue les confettis qui encombrent mon décolleté, et mes cheveux et atteint enfin  ma résidence, plus que le code à composer. Ouf ! Me voici en sécurité.  Pour aujourd’hui j’ai mon compte de sensations,  moi qui voulais voir avec un grand V  comment se passait un carnaval à Dunkerque je suis bien informée maintenant. Plus qu’à prendre la plume pour mon article dans le journal local.
Quelle idée aussi de me proposer pour ce travail. Moi qui suis agoraphobe, je n’ai pas réfléchi, bien mal m’en a pris.

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